Safe Haven

Artistes: Giulia Cilla, Marisa Cornejo, Galería Daniel Moron, Bernardo Oyarzún, Leonardo Portus, Cristián Valenzuela, Ingrid Wildi Merino et Ximena Zomosa
Curatrice: Marisa Cornejo
Lieu: Espace Kugler, Genève, Suisse 
Date : septembre 2013  

Remerciements: Stephanie Prizreni, Nelson Bustamante, Marie Hélène Griffon, Janis Schroeder, Sophie Pagliai, Nora Gatica, Eduardo Cruces, Ingrid Wildi Merino, Jenny Bettancourt, Roxane Bovet, CCC Master Program – HEAD (Haute Ecole d’art et Design), Act-art et la Loterie Romande.

L’exposition Safe Haven / Refugio Seguro / Refuge Sûr à l’Espace Kugler à Genève nous invite à porter notre réflexion sur le 40ème anniversaire du coup d’état au Chili. À cette occasion, l’artiste et curatrice Marisa Cornejo invite huit artistes chiliens dont le travail est basé sur le thème de la mémoire dans le Chili actuel, en relation avec le fait que ce pays est devenu un « REFUGE SÛR » (a regional safe haven). Le but de cette réunion est d’exposer leurs œuvres à Genève, cité des banques, des bunkers antinucléaires et des Droits de l’Homme. Paradoxalement, depuis le coup d’état, le Chili s’est converti en un refuge sûr pour les investisseurs, il est considéré comme le meilleur de l’Amérique Latine. Le Chili est en même temps un modèle de développement qui prive la majorité de sa population de l’accès à un travail bien rémunéré et stable, à une éducation égalitaire et à des services de santé et sécurité sociale décents.
Bernardo Oyarzún, Cristián Valenzuela, Ingrid Wildi Merino, Leonardo Portus et Ximena Zomosa, artistes qui ont grandi sous le régime dictatorial de Pinochet, exposeront leurs stratégies de résistance à l’oubli à travers leur pratique artistique. L’artiste suisse-uruguayenne Giulia Cilla présentera un travail de mémoire affective sur son pays qui commémore aussi 40 ans de l’irruption d’un régime militaire qui écrase toute opposition démocratique à l’instar de l’ensemble du Cône Sud du continent.

COMPROMIS
Leonardo Portus
Il s’agit de la récupération du logo de la campagne de recueil de bijoux et d’argent réalisée peu après le coup d’état de la junte pour la « restauration » nationale, situation qui a fait éclater un scandale car la promesse de rendre ces bijoux et cet argent n’a jamais été tenue par la suite. Ceux-ci ont disparu dans des circonstances étranges et la rumeur circule qu’ils se sont retrouvés dans les cassettes à bijoux de femmes de militaires.

PRINCIPE D’ INSECURITE
Bernardo Oyarzún
LA SEULE CHOSE QUE JE NE PEUX PAS PARDONNER, C’EST QUE TU NE CROIES PAS EN MOI
Cette phrase concerne les modifications culturelles qui nous font agir et reagir de certaine maniere comme des gardes-fou pleins de violence et d’ intolerance honteuses. Au Chili tout le monde demande pardon comme un acte banal et sans importance, peu vraisemblable apres les atrocites qui s’ y deroulerent et apres 40 ans cela nous est egal et nous voyons une eclaircie historique sur ce qui s’ est passe en 1973. Je peux tout excuser: les assassinats, les viols, les tortures, les mensonges et mes ordres , mais je ne peux pas pardonner que tu ne croies pas en moi.
Cette phrase est une aspiration de la Bible ou Dieu te pardonne tout a moins que tu n’ aies pas la foi ou que tu ne croies pas en lui, c’est un Dieu bon, mais profondement intolerant. Les societes fonctionnent selon ce mythe imparfait et projetent leur imaginaire violent et suicidaire.

TIME THREAD
Ximena Zomosa
«J’ai utilisé la chevelure comme métaphore du temps, du corps absent/présent du voyage et aussi comme trait pour dessiner.»

PUNTA CARRETAS 2013
Giulia Cilla
C’est une vidéo expérimentale en 16 mm sur la prison de Punta Carretas à Montevideo recyclée en centre commercial (Shopping Mall) le plus grand du pays. Cette prison a fonctionné pendant la dictature. Je vais recueillir le témoignage d’un artiste visuel, Clemente Padin, qui fut détenu dans cette prison afin de récupérer une partie de la mémoire qu’on veut effacer, qui a été effacée sur le plan de l’architecture. Clemente nous raconte ce qu’on ne peut qu’imaginer. Pour cette raison, la première partie de la vidéo ne contient aucune image. C’est au spectateur de la créer. Dans la deuxième partie de la vidéo, mon corps sert à souligner l’édifice de façon non normative. Je cours autour de son périmètre. Cette action évoque la fameuse fugue des 111 tupamaros (qui a eu lieu dans cette même prison) et les protestations du milieu estudiantin au Chili où on a également recours à ce type d’action pour des manifestations sociales.
Je souhaite avec cette vidéo, ouvrir la réflexion sur le thème de la mémoire et de sa transmission inter-générationnelle et de la chronopolitique. J’utilise, pour ce faire, le format 16 mm qui crée une superposition de temporalités historiques dans laquelle le présent et le passé se mélangent et ouvrent la possibilité de repenser le futur, un futur dans lequel il nous faut non seulement penser au temps présent et oublier le passé, comme nous y incite la nouvelle architecture du Shopping Mail, mais qui englobe aussi le passé et sa complexité.

LA CROUTE BLESSEE
Cristián Valenzuela 
«En 1972 s’est tenu au Chili la III UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development). Le gouvernement de l’époque, représenté par Salvador Allende, n’avait pas d’espace pour accueillir une telle manifestation, et il proposa alors de construire un édifice en rapport à son importance et à son impact. Dirigé par l’architecte Jorge Wong, le bâtiment, de 40.000 m2, fut construit dans un temps record de 275 jours, en trois huit par jour et où chacun des collaborateurs reçut le même salaire. Après ce premier usage, l’édifice fut projeté en centre culturel, projet annulé par le coup d’état de 1973. Suite à cet évènement et la destruction du palais présidentiel, Pinochet y installa le centre d’opération de la dictature, bloquant ainsi ses transparences (architecturales et symboliques bien sûre). Au retour de la démocratie, l’édifice fut exploité par le Ministère de la Défense, et ensuite fut transformé en centre de conventions. Vers 2006, suite à un étrange “incident” (un incendie), l’édifice fut renouvelé, se transformant (de nouveau) en centre d’activités culturelles.

Je me rappelle l’horrible sensation que je ressentais lorsque je passais le long de la façade du “Diego Portales” (nom donné à l’édifice par la dictature)… “La gueule du loup”, on l’appelait.
Je me souviens de quelques contrôles de police lorsque j’étais encore un enfant, sous le premier régime démocratique, au début des années 90.
Je me souviens d’une sensation d’oxygénation, quand je suis allé assister à quelques conférences dans le bâtiment à la fin cette même décennie.
Je me souviens d’une sensation de tiède joie, vers le milieu des années 2000, en voyant en flammes cette association (inoubliable) à la dictature.
Actuellement nommé Centro GAM (et non Centro Cultural Metropolitano Gabriela Mistral), il accueille un centre culturel ou le concept d’”industrie culturelle”, c’est à dire ce qui appartient à la production industrielle, est appliqué au champ culturel… une manière additionnelle de se débarrasser du sens réel de l’histoire. »

Cristián Valenzuela
Bruxelles, 2013
Works of Galería Daniel Moron and Ingrid Wildi Merino
Works of Cristian Valenzuela and Ximena Somoza
Works of Bernardo Oyarzún, Marisa Cornejo and Leonardo Portus.
View of Punta Carretas video projection.
View of exhibition
Poster « Capsula de la Memoria », Galeria Daniel Moron.